Accroche : Cet arrêt de la Cour de cassation, rendu le 11 mars 2014, porte sur la question de l'application de l'article 38 de la loi du 29 juillet 1881 interdisant la publication des actes d'accusation et des actes de procédure criminelle ou correctionnelle avant qu'ils aient été lus en audience publique.
Faits : Mme X a publié un article dans le journal "Le Figaro" contenant des extraits du procès-verbal d'audition de Mme Z, témoin dans une procédure d'instruction ouverte contre les Laboratoires Y pour escroquerie, tromperie aggravée et obtention indue d'une autorisation administrative. Les extraits du procès-verbal d'audition ont été utilisés pour accuser les Laboratoires Y de pratiques mercantilistes et peu soucieuses de l'exactitude des caractéristiques de leurs produits, notamment du Mediator. Les Laboratoires Y ont assigné en justice le directeur de la publication du journal, Mme X et la société éditrice du journal, afin d'obtenir des dommages-intérêts et la publication du jugement à intervenir.
Procédure : Les Laboratoires Y ont fait appel du jugement de première instance qui avait débouté leurs demandes. La cour d'appel a confirmé le jugement de première instance, considérant que l'application de l'article 38 de la loi du 29 juillet 1881 à la publication litigieuse constituait une ingérence disproportionnée dans l'exercice de la liberté d'expression.
Question de droit : La question posée à la Cour de cassation était de savoir si l'application de l'article 38 de la loi du 29 juillet 1881 à la publication des extraits du procès-verbal d'audition était conforme à l'article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qui garantit la liberté d'expression.
Décision de la Cour de cassation : La Cour de cassation a rejeté le pourvoi des Laboratoires Y et a confirmé la décision de la cour d'appel. Elle a considéré que la publication des extraits du procès-verbal d'audition, bien qu'elle puisse accréditer la culpabilité ou la responsabilité des Laboratoires Y, s'inscrivait dans un large débat public sur la responsabilité de l'entreprise dans l'affaire du Mediator, qui était d'intérêt général. La Cour a estimé que l'application de l'article 38 de la loi du 29 juillet 1881 constituait une ingérence disproportionnée dans l'exercice de la liberté d'expression, car il n'était pas possible de préjuger de l'échéance ou de la certitude d'un procès sur le fond.
Portée : Cet arrêt confirme l'interprétation restrictive de l'article 38 de la loi du 29 juillet 1881 par la Cour de cassation. Il reconnaît que la liberté d'expression des journalistes peut primer sur l'interdiction de publication des actes de procédure avant l'audience publique, lorsque la publication présente un intérêt général et ne porte pas atteinte au droit à un procès équitable ni à l'autorité et à l'impartialité de la justice.
Textes visés : Article 38 de la loi du 29 juillet 1881 ; Article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Article 38 de la loi du 29 juillet 1881 ; Article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.